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de danse

 

Donner un cours de danse, c’est exceptionnel !
Mais être professeur de danse, ce n’est pas donné à tout le monde.

Les propos qui suivent furent tenus par une connaissance de mon papa (je t’aime papa ❤) à l’époque où j’étais dans le milieu.

« Je prends des cours de danse hip-hop ! Mais mon prof est nul à chier quoi ! ».

J’étais assez choqué par ses propos. En effet, dans l’inconscient des débutants, tout enseignant en danse est forcément fort en danse. Ces néo-danseurs ne possèdent ni la connaissance, ni la technique, ni même l’esprit critique suffisant pour distinguer le bon danseur du mauvais chasseur euh danseur (la danse reste subjective c’est vrai, mais là on parle d’un enseignant qui n’était même pas sur le son quoi…). Ce type d’élèves suit les cours, se dépense sur du bon son, et n’envisage pas la compétition, ni même la progression.

Leur but pour la plupart, c’est de passer un bon moment, et c’est compréhensible.

Il paraît qu’aujourd’hui, la création de contenu prime sur la maîtrise des fondamentaux, la recherche de la créativité et l’expression artistique. À en croire ces mots, il suffit donc de s’habiller hip-hop, de posséder un Instagram rempli de chorégraphies et de représenter un crew : l’attirail complet rendant légitime tout prof de danse.

Certes. Mais cela suppose une question majeure, qui a dû être traitée depuis ces années d’absence j’imagine (je l’espère) : faut-il être fort en danse pour être professeur de danse ? Et d’ailleurs, est-ce que la relation entre niveau et pédagogie est équivoque ?

Alors déjà, pour être professeur de danse, il faut être sur le son, c’est le minimum syndical et c’est chaud de le souligner. C’est grave ce que je m’apprête à dire, mais effectivement des enseignants off beat dispensaient des cours et jugeaient des battle à l’époque (et ça doit être toujours le cas). A la rigueur, juger des battle, cela regarde l’organisateur et les inscrits. Ça se trouve, l’organisateur lui-même n’est pas sur le son en fait (bon un peu d’humour).

Mais transmettre quand on est pas sur le son, c’est comme si moi, enseignant en management, j’allais au lycée pour dispenser un cours de chimie à mes étudiants. C’est manquer de respect…

Soyons clairs : c’est exceptionnel de donner cours, c’est même ultra enrichissant, je ne m’en lasse pas et pourvu que ça dure, mais c’est également une énorme responsabilité que peu considèrent à sa juste valeur.

Finalement, chaque danseur peut apporter de sa danse à l’autre. Je ne pense pas qu’il faille être fort pour dispenser de la danse, et c’est peut-être une erreur. Ce dont je suis sûr, c’est qu’il faut être sur le son (ça va de soi), avoir quelque chose à transmettre (ce qui suppose des bases solides), et point important connaître les limites de son savoir pour un jour demander à son élève de quitter son cours et d’aller chercher des informations ailleurs…

Quand je retrace les enseignants que j’ai eus (et j’ai eu de la chance ils ont tous été excellents), chacun avait son domaine de prédilection : mon papa et sa danse purement oranaise (représente!), Asiz et sa musicalité, Salas et ses décompos, Sagy et son boogaloo, Faouzy et son contrôle, Cecef et son flow. Pourtant, aucun a tenté de me dispenser son talent. Au contraire, chacun m’a transmis le fruit de son travail, à la lumière de bases solides, pour que je puisse à mon tour bâtir ma danse.

Aucune des personnes mentionnées n’a tenté de m’impressionner en me donnant cours. En fait, l’attention n’était pas braquée sur eux, mais bien sur moi et les autres élèves. Le centre du cours, ce n’était pas eux, mais nous et seulement nous ! J’avais le sentiment que mes professeurs restaient à l’écoute, prêts à corriger nos erreurs et surtout y remédier individuellement. Aucun élève n’était mis de côté, fût-il débutant. Tout était pensé, bien ficelé et logiquement construit. Et nous passions en plus de cela un bon moment !

Mais je dois l’admettre, j’ai suivi des stages avec des danseurs ultra forts, mais tellement pas pédagogues. Le genre de stage dans lequel vous rentrez chez vous, avec rien, si ce n’est une démo du danseur en question en tête. Sauf qu’une vidéo YouTube aurait suffi… Et le pire dans tout ça, c’est que la plupart des élèves pensent qu’il est normal d’être à la ramasse pendant le stage, parce que c’est un stage.

Bah non, la pédagogie, ce n’est tout simplement pas donné à tout le monde.

Mais la pédagogie, ça s’acquiert et ça se travaille. Aux professeurs de différencier leur pédagogie, de proposer des variantes pour un même step et d’expliquer aux débutants qu’ils peuvent le danser de telle manière, tandis que les avancés pourront ajouter tel élément de difficulté, tout ça dans une même chorégraphie. Cela ne remet pas en cause le fait de mettre les élèves en difficulté pour qu’ils puissent danser des mouvements complexes avec facilité par la suite. Simplement, il y a un juste milieu dans tout ça.

Et un jour, j’ai suivi un stage avec Walid. Pendant 1h30 on a bossé notre walk-out… Peut-être le stage le plus pertinent de ma vie : un génie qui nous fait bosser une base que tout le monde pense maîtriser… La danse, c’est le travail : le message était passé, compris et ancré !

Pour ma part, j’ai donné mon premier cours de danse, et je le remercie encore, en étant coaché par Salas. Lui avait une expérience déjà énorme dans le domaine. Via un accompagnement en amont, sa présence pendant les cours suivis d’un débriefing portant sur les éléments à travailler, il m’a permis de posséder de solides bases pédagogiques avant de prendre mon envol en tant que professeur de danse. Bref, une véritable stratégie avait été pensée ensemble et mise en place sur le terrain. Il m’avait accordé de son temps quoi !

Je vous pose la question les danseurs : Qui fait ça avec ses élèves aujourd’hui ? Je vais être honnête avec vous, moi je n’ai pas pris le temps de le faire à l’époque et c’est une erreur. Qu’est-ce qui empêche la mise en place de formation pédagogique ? Et d’ailleurs en parlant de formation pédagogique, qui pourrait endosser réellement ce rôle et concrétiser cela par une formation qui a du sens dans le Nord ? Sûrement qu’on proposerait une personne issue d’un cursus institutionnel, bien loin du terrain, de la culture et de la réalité de la danse hip-hop j’imagine. Et ça se trouve, la plupart des enseignants considéreraient ne pas avoir besoin d’être formés, et pourtant…

En tout cas, la seule chose dont je suis sûr, c’est que cette personne, et bien ce n’est pas et ça ne peut être moi.
Si je me pose toutes ces questions au lieu d’aller dormir (texte écrit hier à 2h30 du matin… ça va je donnais pas un cours de droit 6h plus tard…), c’est que j’envisage de donner des cours de house-dance et je m’interroge sincèrement sur mes intentions.

Est-ce financier ? A cette question, mon meilleur conseiller aka père m’a répondu que l’unique condition à la dispense de cours devait être le désintérêt du gain. Mais attention : tout travail mérite salaire et il est dangereux de penser le contraire. Disons que je gagne bien ma vie en dehors de la danse…

Suis-je légitime pour transmettre ? J’ai questionné en toute humilité quelques danseurs qui n’auraient pas eu de mal à me dire la vérité sur le sujet ; j’avoue avoir été surpris par leurs réponses.

Est-ce que je me sens encore concerné par la house dance dans le Nord ? C’est peut-être ça le truc…

Mais surtout, je crois que ça va me faire du bien de sortir ce que j’ai de mon cœur et de mes tripes et de les partager…

Et du coup, une question émerge : ai-je le droit de critiquer les mauvais enseignants, si leur ambition était simplement d’aller bien en dispensant un cours de danse ?

Et nous voici revenus à la question de la responsabilité : la boucle est bouclée.

Ps : il ne s’agit pas de viser une ou des personnes en particulier, mais bien de partager ma vision et de débattre… Il y a sûrement beaucoup d’erreurs dans mes propos ; ça tombe bien, c’est par l’erreur que l’on apprend… 🙂 Peace